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BULAT-PESTIVIEN

Église paroissiale

Chapelle Saint-Blaise

Chapelle Sainte-Anne Radenek

 

 

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« Lorsque tu vois jaillir du milieu des collines

la flèche de granite et ses arêtes fines,

lorsque tu vois dressé plus haut que tous les fronts

l’ange gris de Bulat au paradis des monts…»

                                                                                   Mab-Sulon

Après avoir franchi la voie ferrée au niveau de Pont-Melvez, on quitte la route reliant Guingamp à Callac pour s’élever lentement vers l’un des  hauts lieux de la Bretagne mystérieuse : le sanctuaire de Bulat-Pestivien. Ici le granit est froid, dispersé ça et là dans la campagne, et la nuit le clair de lune laisse entrevoir, entre les bouquets d’arbres et les nuages, l’un des plus beaux clochers des Côtes-d'Armor, déchirant de ses 66 mètres un ciel souvent tourmenté par la tempête. Les légendes et les croyances sont toujours vivaces dans ce pays où le diable, dit-on, est mort de froid une nuit dans l’église de Burthulet.

Je découvris en avril 1986, pour la toute première fois, sous un ciel tourmenté et menaçant, le sanctuaire de Bulat, la chapelle de Pestivien et son très beau calvaire. Je fus immédiatement impressionné par cet ensemble architectural, par cette vaste place faisant face au mur d’enceinte, par l’élégance de ce beau clocher et par les sculptures spectaculaires de la secrétairerie. Au début des années quatre-vingt-dix, je suis passé souvent, de nuit, au pied de la chapelle Saint-Blaise en descendant de Pleguien pour me rendre à Lignol dans le pays Pourlet. Que de sensations éprouvées tout au long de cette route mystérieuse qui traversait ensuite le Burthulet puis Kergrist-Moëlou !

 

 

EGLISE PAROISSIALE

 

 

 

 

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D’après la tradition locale, à l’origine, la chapelle Notre-Dame de Bulat n’est que l’ex-voto de la reconnaissance d’un seigneur de Pestivien : s’agissait-il de demander au Ciel la grâce d’avoir un héritier mâle, comme l’affirment le cantique et le cahier de paroisse, ou bien de remercier la Vierge d’avoir rendu sain et sauf un enfant enlevé par une bête sauvage comme le raconte l’étonnante frise ornant le mur de la sacristie ? En tout cas, le nom même de Bulat (syncope de «bugelat») et le fait que la fontaine située dans le sanctuaire est populairement appelée « fontaine des nourrices » montrent que la vierge, à Bulat, fut dès l’origine invoquée pour la protection et la prospérité de l’enfant (bugel) et de sa famille.

 

Le bourg de Bulat est construit sur une petite éminence, dans un paysage vallonné et boisé. Les collines avoisinantes, plus hautes que le bourg, masquent l’édifice dont la flèche n’apparaît qu’à une faible distance. L’église est située au nord-ouest, à l’endroit où la pente s’accentue vers l’ouest, le nord-ouest et le sud-ouest, sur un placître de forme irrégulière étiré d’ouest en est. À l’est, le placître, limité par une murette basse ouverte d’un portail axial à piles carrées à couronnement pyramidal (fermé autrefois par une grille en fer forgé), ouvre largement sur la vaste et belle place centrale du bourg bordée par les habitations à l’est et au sud de l’église. Le portail est flanqué de deux échaliers limités par des piles du même type que celles du portail, mais plus basses. Deux échaliers simples sont ouverts aux extrémités nord et sud et le monument aux morts échancre la murette à droite du portail. Le placître est occupé par le cimetière, principalement, à l’est, au sud et à l’ouest. La fontaine de la Vierge est construite au nord-ouest, le calvaire s’élevant à droite en entrant dans le cimetière à l’est.

L’église est construite en matériau homogène de granite à gros éclats de quartz en blocs de deux teintes,  jaunâtres ou bleutés, mélangés dans un appareillage en général moyen, sauf dans le massif occidental (jaunâtre pour la tour, bleuté pour la flèche).

 

La façade méridionale de l’église est sans aucun doute le joyau du sanctuaire. Le portail sud ouvre toute la largeur du mur du porche et près de la moitié de sa hauteur. Les deux voussures sont sculptées de feuillage ainsi que l’archivolte en accolade sommée d’un fleuron.

 

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Le portail sud

Le tympan est occupé par un réseau de granit reposant sur une colonne centrale qui divise l’ouverture en deux. La colonne à base et chapiteau mouluré est sculptée en demi-relief d’un pampre de vigne, où picorent des oiseaux, prenant racine sur la base et montant en spirale sur le fût en se terminant sur la corbeille du chapiteau. Le réseau est constitué de deux arcs en accolade à intrados trilobé ; deux cercles où s’inscrivent deux mouchettes et un soufflet axial sous la clé occupent l’écoinçon. De nombreux motifs héraldiques et sculptures en demi-relief et haut-relief se répartissent en trois niveaux entre le portail et l’ouverture du pignon : une huitaine d’armoiries et deux figures d’animaux.

Au-dessus des archivoltes du porche, à gauche, est sculpté en haut-relief, un motif représentant un animal ailé, égorgeant un autre quadrupède plus petit. Les corps enchevêtrés sont fortement en relief, au détriment des détails devenus inexistants.

Sur le pignon, à l’extrême droite, figure un motif inscrit dans un rectangle allongé représentant un animal quadrupède couché, à longue queue bifide, à petite tête au museau pointu et pourvu d’une aile rigide et longue.

 

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L’animal ailé

 

L’intérieur du porche est couvert d’une voûte d’ogive à liernes. Les nervures sont moulurées d’un tore à listel médian séparant de part et d'autre deux cavets et un tore dégagés par des filets. La voûte est en moyen appareil de granite. La clé est ornée d’un motif héraldique. Le sol est pavé de grandes dalles de granite. Dans l’embrasure deux marches permettent d’accéder au niveau du placître. Sur le mur nord, deux portes-géminées en arc brisé, réunies sous une arcature en plein cintre moulurée de deux cavets, donnent accès au bas-côté. Deux bénitiers godronnés soutenus par des mains sculptées en bas-relief sont engagés aux angles nord-ouest et nord-est. Les murs est et ouest, aveugles, portent sur toute leur longueur un grand décor symétrique de niches à dais où s’abritent traditionnellement les statues des douze apôtres. À la base des murs court un banc de granite.

 

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Mur est du porche, de gauche à droite :

Saint Pierre, saint Paul, saint Jean, saint Jacques le Majeur, saint André et saint Thomas.

 

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Mur Ouest du porche, de gauche à droite :

Saint Barthélémy, saint Philippe, saint Jude Thaddée, saint Jacques le Mineur, saint Simon et saint Matthieu.

 

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Les statues sont exécutées dans un granite beige d’un grain moyen et peu micacé. Le revers est sous coup de l'outil. Tous les apôtres sont taillés en un seul bloc et fixés par cimentage. La polychromie a presque totalement disparu : il reste des traces de couleur ou de badigeon de base vert sombre. Les statues étaient polychromes jusqu’à une date assez récente, assez visible sur les cartes postales anciennes. Le peu de mutilations confirme le bon état actuel :

Saint Thomas : main droite cassée.

Saint Philippe : extrémité inférieure de la hampe de la croix cassée ainsi que le bord droit du manteau. Quelques têtes recollées lors de restaurations.

La statue de saint-Simon semble moderne ; le parti pris de géométrisme et de raideur s'oppose à l'effort de souplesse et de vie des autres sculptures. Cette statue est à rapprocher d’un groupe de saint Hervé à Saint-Anne-la-Palud.

Le support et l’encadrement des apôtres s'organisent en une grande composition architecturée à parti vertical, couvrant la plus grande partie de la surface des murs est et ouest du porche.

Sur chaque mur, six travées à trois niveaux

A - Soubassement continu, avec piédestaux saillants.

B - Niveau médian : niches renfermant les statues d'apôtres.

C - Niveau supérieur : dais.

 

A – ­Piédestaux :

Prenant appui sur le banc de pierre courant le long des murs, font saillie de hauts piédestaux de section semi-hexagonale (trois pans visibles) : plinthe et cimaise à moulures prismatiques, arêtes soulignées d'un tore, champ élégi sur les cinq sixièmes de la hauteur et formant baie à réseau supérieur trilobé et archivolte ornée de choux. Chacun de ces piédestaux supporte une statue d’apôtre.

 

B – Niches :

Elles sont à fond plat et à montants de section prismatique, à base bouteille et minuscule chapiteau à décor végétal ou géométrique ; la partie inférieure du dais forme voûte nervurée. Entre les niches, un haut et mince pinacle engagé, à mouluration identique à celle des montants, et se prolongeant jusqu'au troisième niveau des dais, sert de liaison entre les niches et accentue le verti­calisme du parti.

 

C – Dais :

Ils sont à trois pans, supportés par les montants de la niche, et organisés en trois niveaux. Le niveau inférieur est rythmé aux angles par de petits contreforts biais, certains ornés de minuscules choux frisés, les autres nus, encadrant un arc trilobé surmonté d'une accolade à choux frisés. Au-dessous court une balustrade à fins motifs de mouchettes. Celles du mur Est groupées par trois, s'or­ganisent en une rangée de roses, celles du mur ouest se superposent en deux niveaux.

Le niveau médian des dais forme des niches plates à gable aigu, à montants ornés de contreforts biais. À l'intérieur de ces niches s'inscrit un deuxième arc, brisé, trilobé ou en plein cintre entourant parfois un motif central (petit homme pour la niche de saint Pierre, fleur de lys pour le dais de saint Paul, saint Jean, saint André, saint Thomas, accolade à burons pour saint Philippe, fenestrage pour saint Matthieu).

Le niveau supérieur consiste en pinacles ornés aux arêtes de choux.

 

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Saint Barthélemy et saint Philippe

 

 

Description générale des douze apôtres

 

Thème : il s'agit des douze apôtres du porche, reconnaissables pour la plupart à leur attribut personnel. Un doute subsiste sur l'identité de saint Jacques le Majeur qui n'est pas vêtu ici en pèlerin, mais porte un simple bâton. Saint Matthias a été écarté au profit de saint Paul, placé après saint Pierre.

Composition : un effet de différenciation apparaît dans l'attitude des apôtres ; si la plupart ont la tête de face, quelques-uns se tournent vers la gauche ou la droite. Les gestes sont également variés et rendus véridiquement bien que maladroits.

Anatomie : l'étude des dimensions a montré une nette différence entre les apôtres ; elle s'étend au niveau des proportions. Certains apôtres ont un corps long, mince, à tête petite, d'autres ont un corps plus massif. Les visages sont tous du même type, les traits sont en fort relief, le front haut et arrondi se termine par des arcades sourcilières plates et en surplomb sur des yeux rapprochés, très grands et en amande, à paupières sculptées. Le nez est droit, à racine fine et narines bombées. Le bas du visage est caché par la barbe sauf dans le cas de saint Jean qui possède une bouche saillante à lèvres séparées par une incision et un menton fin. La chevelure, généralement courte, est plaquée sur les crânes et traitée en grosses mèches parallèles et peu ondulées. La barbe reçoit le même traitement, les moustaches longues, à mèches torsadées s'étalent sur la barbe. Les détails anatomiques des corps se signalent par un buste et des bras trop longs. Les mains et les pieds sont grossièrement traités, les doigts sont simplement tubulaires.

Vêtements, drapés et plis : Les apôtres portent tous une tunique et un manteau très peu décoré. Leur différenciation est très peu recherchée et réside dans la forme des décolletés.

Au niveau des draperies, l’étude est poussée, si la tunique tombe verticalement, on note quelques ourlets relevés par le pied avancé. Le manteau présente des mouvements variés et aucun ne tombe exactement de la même façon. Les plis sont très grossiers, ceux de la tunique sont uniformément semi-tubulaires, parallèles, verticaux et en faible relief, ceux du manteau sont plus creusés, mais leur disposition est maladroite et ils chargent la statue de lignes anarchiques qui rompent l'équilibre de la composition.

Attributs : Là aussi se note une grande variété ; la moitié des apôtres porte un livre, mais jamais de la même façon. L'attribut personnel n'est même pas toujours tenu dans la main droite ; deux d'entre eux le portent dans l'autre main. Les attributs personnels sont généralement bien caractéristiques, mais certains ne portent qu'un bâton, c'est le cas de Jacques le Majeur, qui, fait très rare, n'est pas vêtu en pèlerin.

Technique : Les œuvres sont homogènes et sortent d'un même atelier exception faite de la statue de saint Simon, et peut-être aussi de celle de saint Matthieu; il se caractérise par une recherche de variété, dans les attitudes et les draperies, par une maladresse dans l'anatomie : les proportions sont changeantes et toujours mauvaises, par la disposition très oblique des pieds sur la base.

Quant au relief, les sculpteurs préfèrent les volumes forts et peu nombreux, ressortant bien sur la pierre, à des recherches plus poussées alliant volume, modelé et détail.

 

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Saint Pierre et saint Paul

 

Saint Pierre

Corps long et souple, tête petite, épaules étroites et carrées.

Il est vêtu d'une longue tunique sur laquelle est passé un manteau posé sur les épaules et dont un pan revient à l'avant sur l'épaule gauche.

Attributs : livre ouvert tenu par la main droite, très grande clef tenue à l'envers, le long du côté gauche.

 

Saint Paul

Corps long et mince, épaules petites et droites, tête petite à barbe pointue, à chevelure courte dégageant le front.

Saint Paul porte une tunique longue à corsage fendu et petit col rond. Le manteau à bord brodé couvre presque tout le devant du corps. L'ourlet de la tunique se relève pour découvrir le pied gauche.

Attributs : la main droite tient le long du corps une longue épée à pommeau torsadé, la main gauche porte un livre à fermoirs.

 

Saint Jean l'évangéliste,

Les bras collés au corps portent les attributs. Saint Jean est figuré sous les traits juvéniles. Corps massif aux épaules larges et tombantes, cou long, visage imberbe et souriant aux yeux globuleux, aux joues étirées par le sourire. Chevelure longue répandue en deux mèches torsadées sur les épaules.

Attributs : saint Jean porte une tunique serrée à la taille, à encolure ronde bordée d'un large bandeau. Le pan gauche du manteau est tenu sur le devant par la main gauche, le pan droit s'enroule autour du bras.

Il porte un livre sous le bras gauche et la main droite tient un calice (erreur du sculpteur, l’évangéliste le tient habituellement dans la main gauche) à pied godronné, à nœud rond, d'où s'échappe un serpent.

 

 

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Saint Jacques le Majeur et saint André

 

Jacques le Majeur (?)

Le buste est long, les épaules carrées, grande tête à longue barbe et moustaches.

Saint Jacques le Majeur ne porte pas le costume de pèlerin : tunique à décolleté carré, à manteau brodé sur le pourtour d'un bandeau perlé.

Attribut : pas de livre, long bâton tenu dans la main gauche, le long du corps.

 

Saint André

Anatomie : corps étroit aux épaules tombantes, aux bras longs. Crâne chauve, chevelure courte sur les côtés, barbe et moustaches. Tunique et manteau retenu par une grosse agrafe ronde.

Attributs : grande croix de saint André tenue au milieu, par la main droite et à l'extrémité de la branche droite, par la main gauche.

 

Saint Thomas

Corps rectangulaire et massif. Tête dégagée et grande, bras trop longs.

Tunique à décolleté carré, manteau posé sur l'épaule gauche, le pan droit descendu très bas venant s'attacher sur le devant.

Attributs : la main gauche tient un livre, la main droite porte une équerre.

 

Saint Matthieu (?)

Corps étroit aux épaules tombantes, tête grande à la chevelure bouclée, à la barbe traitée en mèches raides et verticales.

Tunique s'arrêtant au-dessus des chevilles, à corsage boutonné, à taille très haute, à plis ondulés sur la jupe. Manteau à bords saillants posé sur les épaules.

Attributs : livre fermé tenu dans la main gauche.

 

 

 

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Saint Simon et saint Matthieu

 

Saint Simon

Anatomie très schématique parti pris d’archaïsme ? Corps rectangulaire, épaules droites, à bras très longs. Visage  rectangulaire stylisé : yeux rapprochés et presque rectangulaires, nez droit, bouche incisée, chevelure courte, barbe traitée en mèches verticales au centre et obliques sur les côtés. Saint Simon est vêtu d'une tunique à encolure ronde et biais large et d'un manteau posé sur l'épaule gauche, dont le pan droit est repris sur le devant par la main opposée.

Attributs : saint Simon porte la scie dans la main droite.

 

Saint Jacques le Mineur

Corps rectangulaire, à buste et bras longs, chevelure courte et barbe longue. Saint Jacques porte une tunique à taille très basse et un manteau enroulé le long du corps et dont un pan est retenu par la main gauche.

Attributs : le saint tient un long bâton dans la main droite.

 

 

Saint Jude Thaddée

Corps long et épaules étroites, visage expressif à chevelure courte et longue barbe épaisse. Saint André porte une tunique à petit col rond fendu au milieu et un manteau posé sur l'épaule droite et revenant sur le devant.

Attributs : bâton épais et court tenu dans la main droite.

 

Saint Philippe

Corps étroit, aux épaules engonçant la tête, buste et bras très longs. Saint Philippe porte une tunique à taille basse marquée par une fine ceinture et un manteau posé sur l'épaule gauche.

Attributs : le saint porte un livre ouvert dans la main gauche et il tient une croix à longue hampe dans la main droite.

Saint Barthélemy

Corps long et étroit, bras longs, tête chauve sommé d'un toupet, petites mèches recourbées sur les côtés. Le saint porte une tunique et un manteau dont le pan droit posé sur l'épaule descend en oblique sur le devant du corps.

Attributs : il tient un livre fermé dans la main gauche et dans la main droite un coutelas, à lame courbe dont le manche est serré.

 

La secrétairerie

         Elle est un bel exemple de l’architecture renaissance. Construite en 1552, en hors-œuvre à l’extrémité ouest du mur sud du vaisseau central, à l’aisselle du porche. Ses murs nord et ouest supportent les contreforts de l’angle sud-est de la tour. Sa face sud, la plus belle, est appuyée sur le mur ouest du porche, en retrait de la façade de ce dernier. Le mur-pignon comporte cinq ouvertures en baies rectangulaires, géminées aux deux premiers niveaux. Des barres de fer, devant les baies, protégeaient autrefois les actes administratifs et les archives contre le vol. Ces ouvertures sont entourées de chambranles richement décorés dont les chapiteaux sont composés de figurines mêlées à de gracieuses arabesques. Trois petits personnages assis entourent deux coquilles Saint-Jacques, entre le deuxième et le troisième niveau. Le troisième niveau ne comporte qu’une seule fenêtre. Le pignon triangulaire dont les rampants portent des crochets à motifs végétaux enveloppant des têtes humaines alternant avec des grappes de raisin, comporte au centre, taillées dans un bloc monolithe, des armoiries : écu en bannière, illisible, timbré d'un heaume de face portant un livre. Les tenants sont des sauvages barbus, s'appuyant sur un long bâton. Deux bustes allongeant les bras tous les deux, aux angles inférieurs du rampant, figurent le marquis de Kerveno et sa femme, seigneur et dame de Pestivien à l’époque de la construction de la secrétairerie et de la tour.

 

 

 

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La façade sud de la secrétairerie

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Entre le porche sud et la porte occidentale d’étonnants hauts-reliefs ornent le mur de la secrétairerie. Le phylactère qui s’étend sur toute la largeur des deux faces de la secrétairerie est tenu à chaque extrémité par un homme, en buste, de face, sculpté en haut-relief. La composition des deux bustes est légèrement différente : celui de la face sud, barbu et chauve, tient l’extrémité est du phylactère (illisible et encrouté de lichens) de la main gauche, celui-ci passant sur la poitrine et cachant l’autre bras ; celui de la face ouest, barbu, vêtu d’un pourpoint ouvert sur le devant, à large revers et manches à crevés, porte la main droite à la tête, la gauche tenant un rouleau fermé.

 

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L’homme barbu de la face sud

 

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L’homme repliant le phylactère

 

Au-dessus du phylactère, neuf motifs se succèdent sur les murs de la secrétairerie formant une suite de « bustes bizarres, dont le mérite artistique est incontestable » (Sigismond Ropars-Annales des Côtes-du-Nord, 1851). Cet auteur y voyait « des squelettes qui remplissent en grimaçant toutes les fonctions de la vie. Les uns chantent, les autres prient, les autres pleurent ou blasphèment avec un rire sardonique et infernal. Rien n'est effrayant à voir comme ces masques étranges, si énergiquement conçus, si vigoureusement modelés ; on ne sait si la mort ressuscite ou si la vie se retire au milieu de ces convulsions. » L’abbé François Daniel, qui fut le recteur de Bulat de 1861 à 1871, interprétait en 1864, cette frise comme une danse macabre : « On y voit la mort, représentée sous diverses formes, entraîner avec elle des hommes et des femmes de tous âges et de toutes conditions. L’un des sujets semble crier comme pour éveiller et faire sortir les autres de leurs tombeaux. Quelques-unes de ces effigies représentent des corps dépouillés de leurs chairs et dans un état de décomposition complète ; d'autres portent des vêtements et représentent des images moins hideuses et moins repoussantes de la mort» Le cinquième buste, en partant du porche sud, la gueule largement ouverte, les orbites arrondies, et tenant dans la main droite un tibia et un péroné, impressionna si fort Prosper Mérimée (le deuxième inspecteur général des Monuments historiques) lorsqu’il le vit en 1835, qu’il le surnomma « le spectre hurleur de Bulat ». Anatole Le Braz écrivait en 1901 dans « La Terre du passé » : « Mérimée, si je ne me trompe, la visita au cours d'une de ses tournées d'inspection dans l'Ouest, et en reçut une impression très forte. L'ossuaire surtout le frappa, par la saisissante étrangeté des figures macabres qui le décorent. La mort y est représentée dans les attitudes les plus diverses, avec une fougue de ciseau vraiment tragique, et il y a telle contorsion de squelette hurleur que l'on n'oublie plus. » H de Bonneville, dans « le magasin pittoresque de 1909 » analysait ainsi cette fresque : « Le morceau le plus curieux de cet édifice composite est l'ossuaire, accolé au porche latéral, construction du seizième siècle, gracieuse et originale. À la hauteur de la fenêtre court une frise sculptée, représentant la mort, sous différents aspects, dévorant tous les âges ou états de l'humanité : vieillesse, âge mûr, enfance; moines, seigneurs et servantes ; les uns résignés, les autres se débattant dans des contorsions du plus haut comique ; et toutes ces figures ont, malgré le peu de finesse du grain de la pierre, gardé des physionomies étonnamment expressives. » Christiane Prigent dans « Pouvoir ducal, religion et production artistique en Basse-Bretagne 1350-1575 » donne l’analyse suivante : « On ne saurait parler d’une danse macabre puisqu’on ne voit aucun danseur, mais plutôt d’un “Triomphe de l’Ankou ”. La frise s’agence autour du Seigneur de la mort, identifiable, à la cinquième place, à son sceptre formé d’ossements entrecroisés. De  part et d’autre, on retient la présence d’un homme, d’une femme voilée, et d’un cheval monstrueux maîtrisant sous ses sabots un visiteur des enfers. »

Ces sculptures m’ont fortement impressionné lorsque je les vis pour la première fois en avril 1986 : comme elles devaient être belles avant que la fureur révolutionnaire des années 1790 ne les mutilât ! Uniques en Bretagne, elles méritent une observation approfondie.

 

 

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 Le spectre hurleur de Bulat : le grand maître des lieux

 

Voici la description de cette frise de l’est vers l’ouest :

 

L’homme barbu ouvrant le phylactère, à l’angle du porche sud.

­La partie supérieure d’un squelette, la tête penchée sur sa droite et comme recouverte d’un voile qui lui tomberait sur les épaules pour y former un fichu.

Autre squelette dont il ne reste que l’amorce d’un mouvement des avant-bras relevés vers le haut, la tête et les mains ayant été brisées.

Un quadrupède assis, dont la disparition de la tête empêche de reconnaître l’espèce. Il semble être un animal à longues pattes et corps étroit tenant dans ses pattes antérieures un objet allongé, un enfant emmailloté,  dont la tête serait brisée elle aussi. Serait-ce l’enfant du baron de Pestivien et de sa dame enlevé par un animal sauvage (un singe) selon la légende ?

Le cinquième haut - relief est le spectre hurleur de Prosper Mérimée : par sa position centrale et son aspect impressionnant, il revêt à cet égard la première place.

Le motif suivant est à nouveau un squelette représenté à mi-corps. Un voile descend du crâne sur la poitrine. La tête est droite. Son regard figé lui donne une expression de frayeur.

Le septième relief est un autre animal fantastique, un cheval à tête d’homme. Il semble tenir un personnage nu dans ses mains, qui tente de repousser l’un de ses sabots.

Nouveau buste décharné ensuite dans une attitude de prière : les mains jointes il lève la tête vers le ciel.

L’homme au pourpoint tenant le phylactère fermé : l’histoire est terminée.

 

Telle est la frise de Bulat où figurent orants et expectants sous l’autorité et la prestance du « spectre hurleur » grand maître des lieux…

 

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« Quoi de plus fétide que la chair et la peau de l’homme après sa mort, si blanches qu’elles aient été vivantes. Il n’y a pas de charogne près d’un vieil arbre creux qui soit si répugnante que le jus de son cadavre. »  (Le Mirouër de la Mort, 1519).

 

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« La matière que j’étudie, lorsque je la médite, je la trouve terrible : après nos faits dans ce monde-ci la fin de chacun de nous est la mort »

 ( Annales de Bretagne Tome II, 1886)

 

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« Force, biens, santé, jeunesse et beauté, toute chose passe ! »

(Cantique Tremen’ra pep tra)

« Prions Dieu qui nous pardonne,

Prions Dieu qui nous donne la grâce ! »

(Le Mirouër de la Mort, 1519)

 

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« Quand ta chair sera morte froide et glacée, il n’est sur terre, je l’atteste, ami, ni ennemi, ni personne, ni époux, quelque amour qu’on ait eu pour toi, qui voudrait te voir davantage »

(Buhez Mabden, 1530)

 

La tour et le clocher :

« La tour, autre chef-d’œuvre de l'architecture classique, qui s'élance à trente mètres au moins dans les airs, est couverte de toutes parts d'un luxe inépuisable d'ornements. Elle a vu déjà passer plus de trois cents hivers qu'elle a bravés comme un seul jour ; et à la vue de ses gigantesques et solides proportions, il est facile de deviner qu'elle n'a pas à redouter davantage les siècles qui suivront les nôtres. Flanquée de huit contreforts et décorée de pilastres et de niches couvertes de délicieuses sculptures, elle est distribuée en trois étages par des entablements, des frises, des corniches et des galeries. Les deux étages supérieurs sont percés de quinze fenêtres, de cinq mètres de hauteur, sur soixante-six centimètres de largeur. Leurs parois extérieures sont couvertes d'élégantes moulures, et leur clef de voûte simule des consoles chargées de sculpture. Ces fenêtres sont flanquées de chambranles élancés et couvertes de losanges, de macles et de toutes sortes d'ornements de la Renaissance, et se terminent par un coquillage, en guise de fleuron. Une galerie, composée tour à tour d'arcades cintrées et de balustres couronnés de chapiteaux couverts de feuillages, règne au pourtour de la première plate-forme. Rien donc de plus simple que de mettre la seconde en conformité de style avec la première. Mais non, il y a trente ans, un architecte, sous prétexte d'achèvement, voulant faire de l'originalité à lui, surmonta la seconde plate-forme d'une galerie composée de pieux de bois, avec accompagnement d'entonnoir de la même matière. Heureusement, le temps est venu bien vite à bout de tout cela.  La porte de procession, digne rivale de la porte du grand porche, est d'une richesse d'ornementation des plus brillantes et des plus splendides. Un arceau ou imposte de pierre, en anse de panier, la coupe en deux baies superposées. Deux chambranles, chargés d'arabesques et ayant huit ou dix mètres de hauteur, l'encadrent en guise de clochetons. Son ogive se termine par une accolade, surmontée d'un pédicule qui supporte une figure grotesque et nue. Plus de quatre cents personnages, animaux ou feuillages donnent à cette porte, une animation ravissante. »

(Abbé Daniel, Annales des Côtes-d’Armor 1864).

La tour est à trois niveaux et deux aplombs, le troisième niveau se trouvant en retrait du parement externe des deux premiers. Elle fut élevée en 1530, puis sommée d’une flèche octogonale ajourée en 1865 à la suite de la catastrophe (25 mars 1836) qui vit, entre autres, l’effondrement du dôme coiffant le clocher. Chaque angle est contrebuté par des contreforts droits en équerre qui diminuent en longueur et en largeur à chaque niveau pour s’amortir à mi-hauteur du troisième niveau. La tourelle d’escalier est construite en hors-œuvre au sud sur la hauteur des deux premiers niveaux. La cage du deuxième escalier forme saillie semi-circulaire aux aisselles des contreforts dans l’angle sud-est avant d’apparaître en hors-œuvre sur la hauteur du troisième niveau. Les niveaux sont bien rythmés horizontalement par des corniches et les deux balustrades qui ceinturent la tour à la base et au couronnement du troisième niveau. Le niveau médian est le moins élevé : sa hauteur équivaut à la moitié des premier et troisième niveaux, sensiblement égaux. Le premier niveau, mis à part le grand portail ouest (en arc brisé dont les voussures sont sculptées) est peu ouvert, contrairement aux deux niveaux supérieurs, ouverts de baies géminées sur presque toute leur largeur et leur hauteur.

Sur les contreforts nord et sud de la tour sont engagés, sur la face ouest, entre les deux moulures inférieures, deux-demi-reliefs illustrés de personnages en buste tenant des phylactères :

·         un homme, au visage long et osseux, d’aspect sévère, moustache et barbe bien fournie, porte un pourpoint à col haut (peut-être une petite fraise), à épaulettes bouffantes et manches munies de trois anneaux de crevés et manchettes plissées. Il porte un toquet.

·         Une page (une femme ?) dont le phylactère (sans inscription) s’enroule derrière la tête, est vêtu d’un pourpoint qui semble ouvert sur le devant, à manches bouffantes resserrées au bras et au poignet. Il porte une toque.

 

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Sur le phylactère, l’inscription est gravée en onciale sur trois rangs :

« En l’an 1530 vingt-neuvième jour de février

Fut commancée cette tour par F.Jehannou mestre

De l’esvre et guillaume Cozic procureur fabrique »

 

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Balustrades du troisième niveau : elles sont d’un type différent sur les quatre faces. Les coursières permettent une circulation continue.

La balustrade de la plateforme supérieure est interrompue au sud-est par le couronnement de la cage d’escalier.

 

La flèche culmine à 66 mètres : le clocher de Notre-Dame de Bulat est depuis le 26 novembre 1865 le plus haut des Côtes-d’Armor.

L’abbé François Daniel, à l’origine du projet, proposa à l’entreprise Le Bellec- Le Guilcher  de Lannion des plans d’architecte dans le but d’élever une flèche au niveau de la chambre des cloches. Seule la flèche, d’une hauteur de 36 mètres, fut retenue : les quatre clochetons qui devaient l’entourer ne furent jamais construits.

La flèche est octogonale, très ajourée et prend appui sur la dernière plate-forme. Elle est appareillée en lits horizontaux ne comportant qu’un seul bloc monolithe sur chaque face. Les lits sont en léger surplomb les uns au-dessus des autres. Des tores saillants soulignent les arêtes, ornés de crochets végétaux stylisés. Chaque face est ouverte de huit petites baies superposées de taille décroissante. Les baies des faces biaises sont disposées en quinconce par rapport à celles des faces cardinales. Les ouvertures sont généralement en arc brisé. Quelques-unes sont rectangulaires : au septième niveau des faces cardinales, au deuxième, cinquième et septième niveau des faces biaises. Les premières, troisièmes et cinquièmes baies des faces cardinales sont surmontées d’un gâble triangulaire à fleuron et crochets portés par des corbeaux sculptés de têtes grotesques. Les deux gâbles inférieurs des faces ouest et est, les gâbles inférieurs des faces nord et sud sont sculptés d’écus. Le gâble inférieur de la face Est est sculpté de petits personnages sous un tympan circulaire. Accostant les arêtes, de nombreuses petites cavités carrées ajourent également la flèche. Le pinacle qui amortit la flèche porte une croix et un coq en fer forgé.

 

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« L’église est en bon état d’entretien, la charpente a été refaite en entier cette année. Sous le rapport de l’art, elle est un des monuments qui attirent le plus l’attention des connaisseurs, mais un de ceux qui aient été le plus abîmés dans ses décorations extérieures… Elle demanderait à voir terminer des clochetons et à être couronnée par une flèche correspondant à l’édifice » (La réponse du recteur Gilles Le Rudulier à l’enquête menée par le ministre des Cultes donne l’état de l’église en 1845 – Annales départementales des Côtes-du-Nord)

 

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L’ouragan du 15 octobre 1987 qui ravagea la Bretagne déplaça la pointe de la flèche dans un double mouvement latéral et de rotation. Il fallut utiliser un échafaudage de près de 70 mètres pour effectuer les réparations.

 

La chambre des cloches :

Située au deuxième étage de la tour ouest, la chambre des cloches est ouverte de hautes baies jumelées. Electrifiées en1952, et malgré des réparations successives, cette chambre et le beffroi se dégradèrent au fil du temps imposant l’arrêt successif des sonneries de volée. Le Conseil municipal de Bulat lors de sa séance du 12 juillet 2002 décida une réfection totale du beffroi et des cloches et l’adjonction d’une quatrième cloche permettant de disposer d’un carillon. D’importants travaux furent effectués :

-   Descente des trois cloches.

-   Mise en place d’un nouveau beffroi en cœur de chêne pour quatre cloches

-   Remise en état des cloches existantes

-   Adjonction d’une nouvelle cloche

-   Installation d’un système électronique permettant de contrôler la puissance des moteurs de volée afin de protéger cloches et beffroi.

 

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Le bourdon pesant 2280 kg

Le Bourdon : Kloc’h bras Bulad

Il a plus de 200 ans. Cette cloche fut installée dans le beffroi à la demande du recteur Charles Pezron en 1768. D’une masse de 2224 kg, elle fut baptisée Marie-Innocente. En 1883, sa chute du clocher causa la mort du sacristain et blessa grièvement un de ses aides. Refondue par l’entreprise Biens Frères elle accuse aujourd’hui une masse de 2280 kg.

 

La deuxième cloche fut acquise en 1880 à la demande du recteur Gilles Le Rudulier et accuse une masse de 1300 kg. Elle fut baptisée Marie-Augustine-Félicie

 

La troisième cloche d’une masse de 680 kg fut fondue à Villedieu et installée dans le beffroi en 1901. Elle remplace une autre cloche dont la sonnerie était en désaccord avec ses « consœurs ».

 

La dernière cloche a été coulée le 8 décembre 2003 à la fonderie Cornille Havard de Villedieu-les-Poêles. Elle pèse 575 kg. Son moule, constitué d’une terre d’argile additionnée de poils de chèvre et de crottin de cheval, fut brisé six jours après la coulée. Coulée dans de l’airain, elle fut baptisée Erwan Marie Emmanuel et bénite le 21 décembre 2003 en l’église de Bulat.

 

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À gauche : la cloche de 1300kg

Ci-dessus : le moule ayant servi à couler la nouvelle cloche qui permet ainsi à l’église de Bulat de disposer d’un petit carillon.

Le coût du nouveau beffroi et de la restauration des anciennes cloches s’est élevé à 44 498,37 €

Le coût total de la nouvelle cloche est de 21 081,22 €

 

Il est temps maintenant de s’intéresser à la richesse iconographique du patrimoine mobilier de l’église.

 

Plan :

L’église est construite en forme de croix latine orientée. Le vaisseau central, aveugle, à sept travées, se prolonge pour former un chœur peu saillant équivalant à la largeur d’une travée. Le vaisseau semble étroit (6,50 m) par rapport à sa longueur (30 mètres). Il est doublé sur la longueur, au nord, par les trois premières travées. Un mur plein le sépare de la sacristie au sud, construite comme le porche sud en hors œuvre, lui-même accolé à cette dernière, mais en retrait du mur gouttereau du vaisseau central. Les vaisseaux des chapelles transversales forment un large bras (14 mètres), mais ne constituent pas un véritable transept. Au nord et au sud, les chapelles sont séparées par deux grandes arcades, ouvertes sur toute la longueur, perpendiculaires à celles du vaisseau central et prenant appui sur la sixième pile au nord et sa symétrique au sud. Les deux chapelles occidentales ouvrent sur les bas-côtés nord et sud par des arcades. Le sol du vaisseau central est surélevé d’un degré au droit de la sixième pile nord. Le chœur liturgique, limité par un deuxième degré au droit des avant-dernières piles sur toute la largeur de l’édifice, englobe avec le chœur architectural la dernière travée du vaisseau central et des chapelles orientales.

Une tour de plan carré est construite en hors œuvre dans l’axe de la face ouest.

En terre cuite, avec quelques dalles de schistes jusqu’en 1850, le sol fut pavé en deux temps :

En 1850, la nef, les chapelles et les bas-côtés furent dallés en granite à la demande de l’abbé Le Rudulier pour un coût de 3051 francs.

En 1968, le rez-de-chaussée de la tour fut pavé par d’anciennes dalles funéraires.

À remarquer : la sixième pile nord (diamètre deux mètres) qui abrite un escalier à vis d’une révolution et demie, tournant à droite. Les marches sont en granite. La porte du bas est fermée par une huisserie néo-gothique. Celle du haut ouvre au sud sur la nef : elle donnait accès à la tribune d’un jubé aujourd’hui disparu.

 

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La table d’offrande :

Le visiteur la découvre immédiatement en entrant dans l’église.  Située dans la nef, elle barre la troisième arcade Nord, aspectée au sud.  D’une longueur de 4,05 m, d’une largeur de 0,65 m pour une hauteur de 1,23 m elle est en granite beige à gros grains fortement micacé.  Trois courts piédroits supportent cette table très épaisse sommée à ses deux extrémités d’un rebord à volutes reliant un buste.  Au revers de la table est bâti un muret à une distance de 28 centimètres, situé entre les piles de l’arcade. Les clercs assis sur ce muret, les jambes dans cet espacement contrôlaient le défilé des fidèles apportant les offrandes : à l’arrière, un trou permet de les récupérer.

Les motifs Renaissance prédominent sur cette table, losanges et cercles sur les bandeaux, corniches saillantes, frises de godrons avec encore quelques mouchettes gothiques.

Sur la face postérieure du muret, est finement gravée une inscription en lettres capitales :

L’AN 1583 : FUT FAITE CESTE TABLE P : LE MOUIN : M OUVRIER ET LUCAS ET  F [KE] RMEN LORS

Pendant les fêtes du pardon de Notre-Dame, les pèlerins déposent, aujourd’hui encore, le premier dimanche après le 8 septembre, leurs oboles sur cette table. La Vierge d’argent y est exposée et chaque don est salué par le tintement de la clochette de bronze de 1553.

 

La loggia :

Située à mi-hauteur du mur de la sacristie, en encorbellement, elle comprend trois étages : le soubassement, l’entablement et le dais. Le décor y est Renaissance.

Le culot est une demi-pyramide renversée à deux faces biaises formées de 4 assises moulurées.

La loge comporte deux faces biaises avec baies en plein cintre sommé de coquilles.

Le dais comprend trois faces sculptées avec des personnages surmontés de coquilles.

Autrefois, l’intérieur de la sacristie était divisé en trois étages. La pièce du milieu, appelée « chambre des reclus » (ou des ermites) donnait à l’intérieur de l’église par la loggia.

La légende raconte que deux maçons, constructeurs de la tour et de la sacristie, avaient demandé comme salaire de pouvoir occuper la « chambre des reclus » d’où ils pouvaient assister aux offices. Peut-être même la chambre était-elle la véritable sacristie, le rez-de-chaussée n’étant qu’un débarras, et la tribune aurait permis de suivre les cérémonies et surveiller la tenue des assistants.

Le plancher du premier étage de la sacristie ayant été démonté, cette loggia donne aujourd’hui dans le vide.

 

 

 

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La loggia et la table d’offrande

 

 

 

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« En face du porche, au côté nord de la grande nef, dans l'une des travées de la colonnade, l'on voit une longue table de pierre, affectant la forme d'un grand autel. Sa face antérieure, reposant sur un massif cubique de granit, est décorée d'élégantes frises et de pilastres couverts de palmes, de macles, de fusées et de nombre d'autres sculptures de l'architecture de transition. Sur la frise supérieure, nous avons remarqué un écusson fruste : c'est sans doute celui de Kergorlay, seigneur et patron de Bulat, à l'époque de l'érection de cette table. Les deux extrémités se terminent par un enroulement de consoles et de volutes auxquelles sont adossées deux effigies, à savoir : celle d'un homme et celle d'une femme. Nous n'avons pas hésité à regarder ces deux personnages comme représentant les donateurs de la table ou les fondateurs de l'église dont nous avons tout à l'heure relevé les armes sur la frise antérieure.

Sur le dos de la table, on lit l'inscription suivante : « L'an 1583 fut faicte ceste table par P. Le Mouine, ouvrier, P. Lucas et F. Kermen, fabriques lors ». C'est du haut de ce trône de pierre que Notre-Dame de Bulat bénit tous les ans les vingt-cinq mille pèlerins qui, après avoir cheminé nuit et jour, s'entassent, se coudoient et se pressent dans son sanctuaire à l'époque de son pardon, ainsi que la veille et le lendemain.

Non loin de la porte de la sacristie, une tribune de pierre découpée à jour comme la rose d'une élégante verrière, supportée par un cul de lampe, couverte d'élégantes ciselures, reste gracieusement suspendue au mur, comme un nid d'hirondelle. Le soubassement est percé de deux fenêtres flanquées de clochetons classiques d'une originalité et d'une ornementation remarquables. Au-dessus est un entablement, couvert d'une frise de coquillages ; puis vient un attique, qui offre vraiment un exemple du luxe de sculptures que certains artistes savaient alors répandre avec tant de profusion sur nombre de monuments de cette époque de la Renaissance (1552). Au niveau de l'attique, deux effigies, encore un châtelain et une châtelaine, se détachant presque entièrement de la pierre, sont adossées aux deux faces latérales de cette tribune, et se font remarquer par leurs atours d'une indécente coquetterie. L'étage supérieur de l'attique se compose de niches espacées par une suite de gracieuses tourelles. Dans les niches sont logées des statuettes d'une nudité repoussante. Enfin, cette élégante tribune se termine par un dôme dont la nudité des parois est déguisée par trois pinacles ornés de légers crochets.

 

Dans les mille fantaisies inventées par l'imagination féconde de l'artiste pour décorer ce monument, nous avons surtout remarqué les divers vêtements des personnages, lesquels comparés et réunis à ceux d’autres sujets qui décorent les murs extérieurs de l'église, donnent une idée complète et exacte des divers costumes en usage dans le XVIe siècle. Toutes les moulures, toutes les découpures, tous les feuillages qui couvrent les diverses faces de ce bijou de pierre ont, grâce au ciel, échappé aux fureurs du vandalisme. Mais on s'est dédommagé sur les sujets et sur la porte qui mettait jadis cette tribune en communication avec la sacristie. Les sculptures en ont été mutilées, et la porte, sans laquelle la tribune n'a aucune raison d'être, a été maçonnée avec un sans-façon déplorable. » (Abbé Daniel, Annales Côtes-du-Nord 1864). 

 

Le retable du Sacré-Cœur (mur est du bas-côté Nord) :

 

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Le retable du Sacré-Cœur

 

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Dieu le Père, barbu et aux cheveux longs, domine un médaillon dans lequel la Colombe représente le Saint-Esprit.

« Dès que Jésus eut été baptisé, il sortit de l’eau. Et voici, les cieux s’ouvrirent, et il vit l'Esprit  de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui » (Matthieu 3-16)

 

En bois, d’une hauteur de 6 mètres, il est teinté en noir avec rehauts d’or. Le retable fut sculpté en 1710 par l’atelier Yves Corlay. L’autel et le panneau de la contretable datent de 1896.

Premier niveau : il est constitué par l’autel dont la hauteur est marquée par une plinthe débordante sur les côtés. La table d’autel mesure 2,40 m. Hauteur du tabernacle : 0,70 m. L’autel à ressaut, forme tombeau et son devant est divisé en trois panneaux par des pilastres plats. Les panneaux latéraux sont creusés en niche en cul de four contenant à droite une statuette de saint Jean et à gauche sainte Marie-Madeleine, un crâne à ses pieds symbole du Golgotha. Le panneau central, rectangulaire aux angles découpés en quart-de-rond porte un très beau bas-relief nous montrant l’agneau endormi sur le livre aux sept sceaux.

 

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En iconographie chrétienne, on rencontre souvent l'agneau couché sur le livre aux sept sceaux : cette figure, tirée de l'Apocalypse, orne presque tous les autels, tant en peinture qu'en relief. On place souvent entre les pattes de l'agneau la croix de résurrection. On représente encore quelquefois l'agneau debout au-dessus d'un rocher, d'où s'échappent les quatre fleuves du Paradis, symboles des quatre évangélistes ; de plus, dans ces images mystiques, l'agneau est presque constamment nimbé. L'agneau est aussi l'attribut de saint Jean-Baptiste, précurseur de Jésus, ainsi que de sainte Agnès, de sainte Reine et de sainte Geneviève.

 

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Un ange

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Marie-Madeleine

 

Deuxième niveau : le tabernacle polygonal surmonte le premier gradin. Il est relié aux piédestaux des colonnes par des panneaux à décor sculpté. Le piédestal de chaque colonne porte un décor en bas-relief. Sur la porte du tabernacle sont sculptés le pélican et ses petits. Un conopée le recouvre (Il reprend le symbole de la tente où Moïse s'entretenait avec Dieu - Exode XXVI, 1-14, et XXXVI, 8-19). Il est le signe de la présence sacramentelle du Christ dans le tabernacle, plus que la lampe rouge qui, elle, peut s'éteindre.

Troisième niveau : le centre est occupé par la contretable contenant un panneau octogonal à cadre mouluré bordé de guirlandes soutenues par quatre anges disposés aux angles. En plâtre polychrome, il illustre l’apparition du Christ à la bienheureuse Marguerite Marie Alacoque.  Au-dessus, on découvre les armoiries du marquis du Cludon, seigneur de Bulat. Les colonnes extérieures sont circulaires sur le premier tiers puis annelées ensuite. Les colonnes intérieures sont torsadées à décor sculpté abritant oiseaux et petits personnages. Les chapiteaux des quatre colonnes sont de style corinthien et portent un entablement.

 

 

 

 

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Apparition de Jésus à Marguerite Marie Alacoque à Paray-le-Monial.

La discussion au sujet de la mission et les vertus de Marguerite Marie continua pendant des années. On soumit à l’examen la totalité de ses actions, de ses révélations, de ses maximes spirituelles et de son enseignement concernant la dévotion au Sacré Cœur, qu’elle avait exposé et dont elle était l'apôtre. Finalement, la Sacrée Congrégation des Rites émit un vote favorable. En mars 1824, Léon XII la proclama Vénérable et le 18 septembre 1864, Pie IX la déclara bienheureuse. Elle fut canonisée par Benoît XV le 13 mai 1920.

 

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Le pélican nourrit ses petits en dégorgeant les poissons emmagasinés dans sa poche membraneuse. Pour la vider, il presse son bec contre sa poitrine qu’il semble frapper, d’où la légende qu’il se perce le flanc pour nourrir ses enfants. Ainsi, il redonne, par son sang, la vie à ses petits morts ou affamés. Le pélican représente le sacrifice rédempteur du Christ et le sacrement de l’Eucharistie. Il est symbole de charité et de résurrection. Par sa blancheur, il figure aussi l’innocence du Christ donnant son sang pour les hommes.

Quatrième niveau : Le couronnement central porte un médaillon rond accosté de volutes portant entablement à découpe centrale où s’inscrit Dieu le Père dominant un médaillon où volette la colombe rayonnante. Les couronnements latéraux forment un socle portant un pot à fleurs auquel s’appuie de chaque côté un ange.

 

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La Bienheureuse Marguerite Marie Alacoque

Cinquième enfant de Claude Alacoque et Philiberte Lamyn, Marguerite Alacoque jouissait d’une bonne position sociale. Dès sa première enfance, Marguerite fit preuve d’une dévotion particulière envers le Saint-Sacrement et elle préférait le silence et la prière aux jeux des enfants. À cinq ans, lors d’un séjour chez sa marraine, dont la fille était religieuse, elle entendit parler des vœux religieux, et fit, à l’insu de tous, sa première consécration à la messe en prononçant ces mots : « Ô mon Dieu, je vous consacre ma pureté et vous fais vœu de perpétuelle chasteté ». Après sa première communion, à l’âge de neuf ans, elle pratique en secret des mortifications sévères de son corps, avant que la paralysie ne la cloue au lit pendant quatre ans. À la fin de cette période, ayant fait le vœu à la Vierge de se consacrer à la vie religieuse, elle se serait retrouvée guérie sur-le-champ. Par reconnaissance, elle ajouta, le jour de sa confirmation, le prénom Marie à son nom de baptême. Devenue orpheline de père, elle fut recueillie avec sa mère chez des parents qui les tourmentaient, leur ôtant tout contrôle de leurs biens et de leurs actes. Marguerite-Marie trouva son réconfort dans la prière, et c'est alors qu'elle aurait eu ses premières visions de Jésus Christ. Le 25 mai 1671, à l'âge de 24 ans, elle entra au monastère et, en novembre 1672, elle prononça ses vœux perpétuels. De santé fragile, elle n'en continuait pas moins ses flagellations. La plus célèbre de ces apparitions est celle de juin 1675 : Jésus lui aurait alors montré son cœur en disant : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes ». Ces manifestations lui valurent d'être mal considérée par le reste des membres de la communauté, qui la traitait de "visionnaire", au point que sa supérieure lui intima l'ordre de se plier à la vie commune. Cependant, son obéissance, son humilité et sa charité envers ceux qui la persécutaient finirent enfin par l’emporter et sa mission vint à être reconnue par ceux-là mêmes qui lui avaient montré la plus forte opposition. Avec l’aide du Père Claude La Colombière, que Jésus lui aurait présenté comme son « vrai et parfait ami », Marguerite-Marie fera connaître le message que Jésus lui aurait adressé. C’est le début du culte du Sacré-Cœur. Inspirée par le Christ, Marguerite-Marie établit la pratique de l'Heure sainte, qui pour elle consistait à prier, étendue par terre, le visage contre le sol depuis onze heures du soir jusqu'à minuit le premier jeudi de chaque mois, afin de partager la tristesse mortelle qu'avait supportée le Christ, quand il fut abandonné à son agonie par ses apôtres, puis à recevoir le lendemain la Communion. (Encyclopédie Wikipédia)

 

L’autel de la Vierge : mur est du bras nord du transept

Œuvre du sculpteur Le Merrer. Le devant d’autel présente trois tableaux :

Au centre, la Dormition de la Vierge. Marie, sur son lit de mort, est entourée de huit apôtres. Saint Jean pose délicatement sa joue sur la main      droite de la mère de Jésus. En haut à gauche, on découvre un paysage de Palestine et en haut à droite à un vase contenant des lys.

À gauche, Joseph présente l’enfant Jésus, à droite sainte Anne et la Vierge.

De chaque côté du tabernacle, le retable comprend deux panneaux.

À gauche, Pierre avec deux clés croisées et saint Paul tenant dans sa main gauche son attribut conventionnel : l’épée.

À droite, Moïse présente les tables de la Loi et David joue de la harpe.

 

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Dormition de la Vierge

 

 

 

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Joseph et l’enfant Jésus

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Éducation de la Vierge

 

 

 

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Moïse

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David jouant de la harpe

 

Il est temps maintenant d’admirer la statuaire de l’église.

 

Le lutrin : Ar Gwenedour :

D’une hauteur de 1,48 m, la statue est sculptée en ronde-bosse. La table du lutrin à double pupitre mesure 0,58 m sur 0,67 m : elle est sommée d’une fine arcature gothique. Le pied du lutrin est composé d’un personnage, debout, bien campé sur ses pieds, sculpté en ronde-bosse.

Le décor est concentré sur un jeune homme vêtu du costume du pays Pourlet (région Vannetaise) dit des « mille boutons » composé d’une chemise à col droit montant, d’un gilet noir (le c’hiletten) boutonné sur le devant d’une double rangée de boutons d’argent, d’une veste courte (chupen) à manches longues et collantes fermées au poignet de trois boutons, du bragou-braz serré sous le genou, de guêtres boutonnées sur le côté et de sabots à bout pointu. Ce costume se complète d’un large ceinturon, du chapeau rond déposé sur le socle à côté du missel. Il fut sculpté par Chamaillard de Rostrenen aux environs de 1860.

 

Charles de Blois :

Adossée au mur ouest du transept nord, cette statue est portée par un socle de bois néo-gothique posé sur le sol. De type sulpicien, elle est en plâtre moulé et creux.  L’attitude est emphatique : la jambe droite est portante, la jambe gauche avancée, le genou légèrement plié, les bras sont décollés du corps, la main gauche est posée sur le bouclier, le bras droit est plié et levé, la main droite posée sur la poitrine. La tête se lève vers le ciel. Le visage porte la marque du style sulpicien : expression suave, traits fades ombrés d’une moustache torsadée. Une cotte de maille entoure le visage et couvre les membres. La tunique dont la jupe est fendue sur le devant est serrée à la taille par une ceinture large et plate. La poitrine est marquée d’une croix grecque. L’armement comporte une épée pendue sur la hanche gauche, un baudrier, un casque rond et un bouclier pointu.

 

 

 

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Le lutrin

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Charles de Blois (1319-1365) était le neveu du roi de France Philippe VI de Valois. Il mourut à la bataille d’Auray  qui mit fin à la guerre de succession de Bretagne. Le sénéchal Charles de Blois habitait Pestivien ce qui explique la présence de cette statue à Bulat.

 

 

 

 

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Statue dite de sainte Barbe :

Elle est adossée à la pile nord-est du bas-côté nord du transept. La statue est posée sur un socle en granite disposé à 2,60 m du sol. Sainte Barbe porte une robe beige à broderies dorées, à encolure montante fendue au milieu, à ceinture plate et étroite, à manches longues. Une manteline fermée dans le dos est posée sur son manteau à revers rouge et bordure dorée. Un voile en retrait couvre sa tête. Barbe porte des chaussures à bout arrondi. Un livre ouvert tenu par les deux mains est son seul attribut. Elle fut sculptée au XVIIe siècle.

Les traits, à part le nez,  sont en faible relief. La chevelure (et les sourcils) est peinte sur le front et se divise sur les côtés en deux mèches torsadées tombant sur les épaules.

 

Sainte Marguerite (troisième pile Sud de la nef) :

Elle est portée par une console de granite à 2,10 m du sol. Le revers est profondément creusé à l’erminette et laissé sous le coup de l’outil. La partie centrale des mains jointes est une pièce rapportée à joints vifs.

De format petite nature, la hauteur de la statue est de 1,50 m. Elle porte une robe rouge à grand décolleté arrondi et buste court marqué par une ceinture. Un long manteau violacé est posé sur ses épaules. Un voile court lui couvre la tête.

Le dragon, de teinte verte, est composé dans un volume de lignes géométriques selon un plan rectangulaire. Le sculpteur a concentré toute l’expression de férocité de la bête dans la face qui évoque celle d’un homme à traits satiriques : yeux globuleux, nez droit immense, bouche aux dents longues et écartées, oreilles rondes et décollées. Sur le côté, seules sont visibles les pattes antérieures pliées, dont les extrémités griffues encadrent le visage.

 

 

 

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Barbe est née en Turquie 235 ans avant Jésus Christ. Son père Dioscore était un homme païen, cruel et possédait tous les vices d’un barbare. Barbe était une belle adolescente, passionnée très tôt par ses lectures chrétiennes. Son père, ne parvenant pas à l’éloigner de ses livres, la fit enfermer dans une tour inaccessible (elle ne comportait qu’une porte et deux fenêtres), la soustrayant ainsi aux regards des prétendants au mariage, protégeant par la même occasion sa fortune personnelle.

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Sainte Marguerite et son dragon traditionnel

 

 

 

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La Vierge à l’Enfant du maître-autel

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Saint Joseph

 

 

 

 

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La Vierge à l’Enfant du maitre-autel est une statue en ronde bosse. D’une hauteur de 1,30 m le revers laissé sous le coup de l’outil, la statue est constituée d’une pièce principale pour le corps, les bras et l’enfant étant sans doute rapportés.

La robe de la Vierge est rouge, recouverte d’un manteau bleu à revers vert et broderie dorée. Elle porte une couronne dorée. L’attribut tenu dans la main droite est cassé (sceptre). La Vierge est debout, légèrement hanchée, la jambe gauche portante. L’enfant, porté sur la hanche gauche, a les jambes croisées et se tourne vers l’avant, les mains tendues.

 

Saint Joseph, statue posée sur la niche supérieure droite du mur est du chœur, porte une tunique bleue à motifs dorés, un manteau marron à motifs dorés. Le saint est debout, au repos, sa jambe droite est portante, sa jambe gauche est légèrement en retrait sur le côté. Les proportions conservent le canon médiéval : la tête et les bras sont trop grands. Ses sourcils sont arqués, ses yeux sont rapprochés, son nez fort et droit a des racines nettement délimitées. Sa chevelure est minutieusement traitée en boucles courtes. Ses moustaches pendantes rejoignent une barbe droite à mèches ondulées. Dans la main droite, Joseph tient une équerre et dans la gauche une branche de lys rapportée.

 

Une autre statuette de la Vierge est placée sur un culot sculpté de la quatrième pile sud de la nef. Cette statuette (0,70 cm) est votive : un bouquet de fleurs est posé sur le socle et autrefois une béquille était pendue au pilier. La robe de la Vierge est rose, à corsage moulant ; un long manteau bleu est posé sur ses épaules. Elle porte un voile sommé d’une couronne à large bandeau. La tunique de l’Enfant est blanche à décolleté en pointe. La chevelure de la Vierge, en parie cachée par le voile, est formée en masse striée de lignes ondulées pour indiquer les mèches. Les mouvements des draperies sont peu nombreuses, très larges, concentrés sur le pan gauche de la Vierge et repris sur le devant. La Vierge, une pomme dans la main droite, tient l’Enfant sur son bras gauche. Celui-ci est assis de profil et tourne la tête de face et sa main droite tient le voile de la Vierge. Sa main  gauche est mutilée.

                                             

 

 

Le Maître-autel :

 

Le maître-autel (3,35 m de longueur), néo-gothique, est adossé au mur est du chœur. Il est exécuté dans un granite gris clair à grains moyens.

Un emmarchement à deux degrés porte l’autel-tombeau. Le gradin est interrompu au centre par le tabernacle. Celui-ci est traité comme une petite architecture de style gothique avec deux étages et une flèche ajourée qui n’est pas sans rappeler celle du clocher de l’église (on sait que le programme iconographique de l’autel a été décidé par le recteur Daniel, architecte, qui fut à l’origine stylistique de la flèche de Bulat). L’ensemble de l’autel est accosté par deux étages de grandes niches avec contreforts à pinacles, culots et dais en flèche ajourée, qui occupent les extrémités latérales du mur du chevet. À droite, on remarque une statue de saint Corentin avec un poisson sur le socle, entouré d’un marin (chapeau rond et plat avec une ancre) et d’un paysan en gragou-braz. À gauche, saint Brieuc est entouré de petites statuettes (pèlerin et diacre).

De part et d’autre du tabernacle, trois niveaux sont décorés de scènes diverses.

Le premier gradin, dans des cadres carrés à léger rinceau de vigne, présente les scènes suivantes en lisant de gauche à droite :

La présentation au Temple – L’Adoration des Mages – L’Adoration des Bergers – Le Baiser de Judas – Le Portement de Croix  et la Mise au Tombeau.

 

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Présentation au Temple et Adoration des Mages

 

Le deuxième niveau, la prédelle, est composée d’arcatures découpées à accolade. On y trouve :

Marie entourée de deux paysans. Derrière, deux ex-voto (un bateau et une béquille.) – La Visitation -  L’Annonciation – Le jardin des Oliviers – Marie entre deux personnages (monsieur à redingote et chapeau haut de forme, dame avec un chapelet) – La Cène.

L’étage supérieur offre une grande accolade à fleuron avec fond d’arcature. Des petits anges sont sculptés de chaque côté.

Les deux premiers niveaux (gradin et prédelle) sont accostés aux extrémités extérieures de niches à pinacles avec des statuettes en haut-relief : Vierge et Saint Joseph, saint Pierre et saint Matthieu. Le dernier niveau offre quatre niches dont la flèche est ajourée : on reconnaît à gauche saint jean et saint Philippe, à droite deux autres apôtres (saint Matthias et saint Thomas tenant une équerre).

 

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Le jardin des Oliviers, l’hommage à la Vierge et la Cène

 

 

La clôture du chœur :

 

Cette clôture est de la fin du XIXe siècle

Elle ferme le deuxième emmarchement du chœur liturgique. La longueur de la face principale correspond à la largeur de la nef. D’une hauteur de 0,92 m, elle est exécutée dans le même granite que le maître-autel. Les panneaux qui la décorent ont une hauteur moyenne de 0.60 m pour une largeur moyenne de 0,69 m.

Cette clôture remplit bien son rôle : elle ferme chaque arcade en laissant une ouverture au centre de chaque face. La clôture est sculptée sur les deux faces. Sur l’extérieur, l’iconographie se rapporte à la Passion du Christ : le Christ devant Pilate (premier panneau du nord) – Le Christ dépouillé de ses vêtements (premier panneau du tronçon sud – Le portement de Croix (second panneau du tronçon nord). Les autres scènes se déroulent sur le tronçon ouest : Le christ tombe pour la première fois – Le Christ rencontre sa mère – Simon de Cyrène aide le Christ – Sainte Véronique – Le Christ tombe pour la seconde fois -

Le Christ rencontre les filles de Jérusalem. La dernière scène, Jésus tombant pour la troisième fois, se trouve sur le premier panneau du tronçon sud.

Les faces intérieures ne portent pas de corniches sculptées, mais les panneaux sont toujours présents. Sur le tronçon ouest, les fleurs stylisées alternent avec des tours derrière lesquelles se croisent une crosse et une mitre portée par un long bâton. Le tronçon nord porte deux symboles des évangélistes : le lion de saint marc et l’ange de saint Matthieu. Le tronçon sud porte un évangéliste, l’aigle de saint Jean et un motif floral.

Les ouvertures de la clôture ne sont pas fermées. Les montants forment des colonnettes à chapiteau surmontées, pour le tronçon ouest d’agneau couché.

 

 

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La Visitation

 

 La commune de Bulat-Pestivien possède une pièce exceptionnelle : une vierge en argent repoussé, découpé, ciselé  et posée sur un socle en bois peint en bleu. Elle n’est présentée que le jour du pardon, le dimanche après le 8 septembre et pour être à l’abri de toutes les convoitises, elle est remisée en un lieu tenu secret. 

 

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Cette statue de procession exécutée à Rennes par l'orfèvre Jean-Baptiste Buchet fut commandée par le recteur d´alors, Yves-René Le Guyader. Elle fut payée la somme très importante de 591 livres par les fabriciens François le Bastard et Vincent le Bricon et bénite en septembre 1747 à l'occasion du pardon de Bulat-Pestivien. Jean-Baptiste Buchet est alors à Rennes parmi les douze maîtres orfèvres de la ville le plus productif et sans doute aussi le plus connu. Ce choix du recteur et des fabriciens de Bulat mérite d´être relevé, surtout si l´on sait que peu de temps auparavant la fabrication de la lampe de sanctuaire de Bulat est commandée à Robert-Louis Le Restif de Saint Brieuc, qui répare en 1745 l´orfèvrerie de la chapelle. Ainsi voit-on une fabrique paroissiale bretonne, faire ses achats de pièces courantes auprès d´un orfèvre « de proximité » et passer une commande exceptionnelle auprès d´un maître rennais dont la réputation est établie.

Les dimensions hors du commun de cette statue — près de 55 cm sans le socle — en font sans doute la plus importante du genre en métal précieux dans la Bretagne d´Ancien Régime. Elles s´expliquent par le contexte de la commande et le double usage prévu, à la fois d´une statue de dévotion permanente dans l´église, destinée aussi à être portée en procession lors du pardon. Les pattes présentes sous le socle en bois, permettent de l´arrimer solidement sur un brancard. Malgré ce dispositif de fixation, la statue, à la suite de chutes a du être restaurée et les deux bras de l´enfant fort maladroitement refaits, ne sont pas dignes de l´ensemble. L´examen à la loupe du métal met en évidence, pour les visages et les parties découvertes des corps, un travail de mati très particulier.

La Vierge, couronnée, est une belle et altière jeune mère qui porte son enfant avec fierté. Son vêtement sans recherche d´effet particulier est d´une grande simplicité. Son manteau se résume à une grande pièce d´étoffe carrée posée à l´oblique comme le montre bien à l´arrière, et la pointe supérieure, rabattue comme un fichu, et la pointe inférieure sur laquelle sont gravés les noms des deux trésoriers de la fabrique ainsi que la date de 1747. Il est possible qu´une statue de la Vierge du couvent de Notre dame de Bonne Nouvelle à Rennes, réalisée suite à l´incendie de cette ville en 1720 ait servi de modèle à l´orfèvre. Les bras de l´enfant ayant été mal refaits à une date indéterminée, son geste n´est plus compréhensible et l´orientation de sa tête peut-être aussi replacée pose problème : elle ne regarde ni le fidèle ni la Vierge mais sur le côté. Les couronnes amovibles correspondent à un usage qui tend à se répandre à partir de la fin du XVIIe siècle. Ici le modèle reprend de façon simplifiée celui de la couronne fleurdelisée fermée du sacre de Louis XV.

 

 

Voici maintenant l’histoire de cette statue telle qu’elle fut narrée par l’abbé Le Tirrand…

« Une question peut venir à l'esprit : devant quelle statue de la Vierge les pèlerins d’autrefois disaient-ils leurs prières ? Les Vierges à l'enfant sont nombreuses en notre église. On y remarque celle du Porche, qui remplace une plus ancienne, exécutée en 1748, celle du pilier, remarquable statue artisanale ; et la grande statue en bois du maître-autel. Aucune n'est probablement antérieure à la Révolution. Mais la plus célèbre, celle que dans toute la région on appelle Notre-Dame de Bulat, est la Vierge d'argent, exposée aux fêtes mariales.

C'est en 1747 qu’Yves-René Le Guyader, recteur de Pestivien, et ses fabriciens, François Le Bastard et Vincent Le Bricon, commandèrent cette statue à un orfèvre de Rennes, Jean-Baptiste Buchet. Elle leur coûta 591 livres.

Le chanoine Le Men la décrit ainsi : « Cette œuvre artistique, en argent martelé, représente la Vierge dans l'attitude d'une reine écoutant et accueillant avec bienveillance les vœux et les prières de ses dévots serviteurs. Majestueuse dans les amples draperies de son vêtement et portant le diadème royal, elle tient sur le bras l'Enfant-Jésus dont la main gauche, peu anatomique il est vrai, se dirige vers sa Mère, en l'indiquant du geste, comme la puissance médiatrice entre le ciel et la terre ».

La statue arriva à Bulat pour le pardon de cette même année 1747, où elle fut bénite les 14, 15 et 16 septembre. Le mot même de « Pardon» évoque une idée de pénitence qui en exprime le but et le bénéfice d'âme : «pardon» est synonyme d'indulgence et les documents anciens emploient les deux termes.

Aussi, l'évêque de Quimper, Mgr Auguste de Facy du Cuillé, demanda-t-il et obtint-il du Pape Benoît XIV, trois «brefs d'indulgences» pour les pèlerins du pardon de Bulat qui, disait le texte : «vraiment repentants, visiteront l'antique sanctuaire aux jours marqués, qui y prieront pour la concorde entre les princes chrétiens, pour l'extirpation des hérésies, pour la conversion des pécheurs et pour l'exaltation de notre Sainte Mère l'Eglise ».

 

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Le 14 septembre, la statue, exposée sur son «pied d'estalle» s'offre aux regards émerveillés des fidèles dans son éclatante fraîcheur. À la procession, un détachement d'hommes en armes forme la garde d'honneur de la nouvelle Madone. La Vierge d'argent, portée sur un brancard, va vers le feu de joie. Et bientôt un spectacle inédit réjouit le regard et provoque l'admiration : “le bois poudré tant à tirer qu'à poudrer (nous dirions aujourd'hui les "pétards» et les feux de Bengale) fuse dans la nuit et tonne longuement de toutes parts”. Quand les derniers fagots du bûcher lancent leurs flammes mourantes, le Te Deum retentit et la nouvelle statue rejoint l'antique sanctuaire. Il est à peine besoin de dire que ce pardon de 1747 attira une affluence extraordinaire de fidèles. En un temps où la publicité était assez rare, il avait été annoncé, ainsi que la foire du Pardon qu'on institua cette même année pour le lendemain de la fête religieuse, «à Callac, Guerlesquin, Rostrenen, Bourbriac et Guingamp».

Si cette statue est quelquefois dite miraculeuse, c’est qu’elle rappelle qu’en sa présence, des milliers de pèlerins sont venus prier depuis plus de deux siècles et qu’ils ont obtenus du Christ et de sa Mère, toujours vivant dans la gloire du Ciel et toujours si proches des cœurs confiants, des grâces spirituelles et temporelles innombrables, parfois des guérisons merveilleuses. Les ex-voto (plaquettes de marbre ou béquilles) et les nombreuses messes d’Action de grâce témoignent de la puissance de la Mère de Dieu et de la reconnaissance des pèlerins.

Avant la Révolution de 1789, il y avait dans la paroisse de Pestivien parfois jusqu’à une dizaine de prêtres à demeure. La paroisse, qui comptait près de 1500 habitants, avait un recteur et, ordinairement, “un curé”, c'est-à-dire un vicaire. Étant données la natalité et la mortalité, bien plus fortes à l'époque qu'aujourd'hui, il y avait, en moyenne, un baptême et un enterrement par semaine, et une douzaine de mariages dans l'année. Les exercices du culte, presque ignorés de nos jours, les vêpres, par exemple, étaient nombreux, et on allait à pied ou à cheval, visiter les malades.

 

 

 

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À l'encontre de leurs voisins de Pont-Melvez ou de Plougonver, les prêtres de Pestivien, le recteur Pezron en tête, refusèrent d'accepter la Constitution Civile du Clergé (1790) et souscrivirent à la protestation de l'évêque de Quimper, Mgr Conan de Saint-Luc, contre cette constitution. Messire Pezron (le dernier recteur de Bulat) ne put empêcher dans sa paroisse les inventaires des biens d'église, ni la confiscation des ornements «vains oripeaux du fanatisme» ou des 197 bagues offertes en ex-voto à Notre-Dame de Bulat. Sur ses conseils, la municipalité pourtant réussit à “garder la plus grosse cloche, parce que la plus nécessaire, attendu que sur elle bat l'horloge et de laquelle on se sert pour tout appel”.

Mais que devenait le “principal  instrument de la superstition dans la région ”, comme disaient les pilleurs, c'est-à-dire la célèbre statue d'argent de Notre-Dame de Bulat ? Messire Charles Pezron, dès le premier signal du danger de confiscation donné par l'annonce des inventaires, lui avait cherché un abri. Il porta la statue jusqu'au manoir de Kerjulou et la confia à la Dame Desjars, propriétaire du manoir et originaire de la paroisse. On la déposa au fond d'une armoire et on la recouvrit soigneusement d'une pile de draps.

Mais vers la fin de 1792, les “purs” de Pestivien eurent quelque vent de la cachette de la Madone. Un jour, un petit groupe d'entre eux se présenta donc au manoir pour la réquisitionner. Il n'y avait à la maison qu'une petite bonne, vaquant aux travaux du ménage. Le chef de l'expédition voulut, sous la menace, la forcer à indiquer l'endroit où se trouvait le précieux trésor. La je une fille aurait peut-être cédé, quand tout à coup, le chien de garde se mit à aboyer furieusement. Instinctivement, la bonne regarda dehors et s'écria : “Ma Doue Les chouans ! Voilà les Chouans ! ” À ce cri, les patriotes, à moitié morts de frayeur prirent la porte du jardin et déguerpirent au plus vite, renonçant à la perquisition projetée. Il leur fut plus facile de faire arrêter le vieux recteur. Celui-ci était résigné : il avait déjà vendu une partie de ses terres et de son mobilier et en avait distribué le revenu en aumône. Il était prêt. Il dut faire à pied, malgré sa claudication, le voyage jusqu'à Guingamp. Là, on n'avait rien trouvé de mieux que de transformer les monastères en prisons.

 

 

 

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L'une d'elles était le couvent de Montbareil dont la chapelle était dédiée et l'est toujours à Notre-Dame de Bulat. Mais c'est au couvent des Carmélites, à l'angle de la rue Saint-Yves que Charles Pezron fut détenu. Son âge et sa mauvaise santé lui évitèrent une déportation plus lointaine. Il mourut au bout d'un an, le 17 novembre 1793, le 27 brumaire an II, comme on disait.

Le Vicaire, dom Jean Touboulic, pensait bien qu'il ne tarderait pas à être arrêté à son tour, s'il n'échappait aux persécuteurs en émigrant. Jean Touboulic était né le 2 septembre 1742, à Kernec'h, un village de la paroisse de Pestivien ;il était le second d'une famille de 8 enfants. Il fut l'élève, d'abord à Pestivien, puis à l'ile de Bréhat, de Messire Nicolas Le Bricon, ancien professeur au séminaire de Quimper. Devenu prêtre, il eut la joie d'être nommé vicaire dans sa commune natale.

Après la perquisition manquée au manoir de Kerjulou, après l'arrestation de son recteur, sa décision fut prise. Il émigrerait, mais auparavant il enterrerait la statue d'argent. Sans mettre dans le secret personne d'autre que ses deux frères, Vincent et Joseph, qui habitaient Kernec'h, il porta de nuit la statue jusqu'à ce village. Vincent confectionna le “cercueil”, une petite caisse en bois ; Joseph creusa la fosse à l'angle du hangar et maçonna le petit caveau. La statue fut inhumée... sans chants et sans fleurs. Pour dissimuler la tombe fraîchement creusée, on se contenta de jeter dessus quelques fagots ou quelques gerbes d'ajoncs secs.

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Alors dom Touboulic dit adieu à sa vieille maman. Il rejoignit le port de Brest, put embarquer dans un navire suédois ou norvégien qui le déposa dans l'île de Man, près des côtes d'Irlande. Il y resta dix longues années, jusqu'à la fin de la Révolution, se faisant tailleur (« Kemener ») pour gagner sa pitance

Pestivien était sans prêtre. En 1793 et 1794, le pardon de Bulat fut interdit. Les fidèles en furent réduits à organiser eux-mêmes des processions clandestines, de Bulat à Notre-Dame de Pitié, devenue aujourd'hui l'église paroissiale de La Chapelle-Neuve. Vers la fin de 1795, Pierre Corbel, jeune prêtre originaire de Duault, qui exerçait un certain ministère à Pestivien avant la Révolution, revint d'exil. Il fut nommé “curé d'office” de la paroisse. Il put rétablir le pardon, mais sans procession et, bien sûr, sans statue. Il s'acquitta des principales charges du ministère paroissial, souvent d'ailleurs en cachette. Cela dura 2 ans jusqu'à la Noël 1797 : ce 25 décembre, 5 nivose an VI, Pierre Corbel fut arrêté chez son frère à Locarn ; on trouva sur lui, entre autres objets compromettants, “une petite boète de plomb, dite à extrême onction ”. Il fut conduit à Saint-Brieuc, devenu Port Brieux, jugé et condamné à mort, il fut exécuté à 11 heures du matin le 6 janvier 1798. Il avait 36 ans.

 

Le temps passa. La Révolution prit fin. En juillet 1802, dom Touboulic put rentrer d'Irlande. Il débarqua au Légué et vint à pied jusqu'à Kernec'h : sa mère, son frère aîné étaient morts pen­dant son exil. Mgr Cafarelli, nouvel évêque de Saint-Brieuc et dont le diocèse recouvrait le département des Côtes-du-Nord dont faisait partie Pestiven, le nomma successeur de Charles Pezron. Le 14 août, aidé de son frère Joseph et de Vincent, son jeune neveu, il réveilla Notre-Dame de Bulat de sa “dormition ” et la sortit de son caveau. Les cloches qui, le lendemain, annonçaient l'Assomption de Marie au ciel, proclamèrent aussi la renaissance du culte public dans la paroisse et la réintégration de la Vierge d'argent dans son sanctuaire. Comme on dut chanter ce jour-là avec ferveur le cantique d'action de grâces ! Au lieu de rester à Pestivien comme ses prédécesseurs, dom Touboulic obtint de l'évêque la permission de faire de la chapelle de Bulat son église paroissiale : c'était le 14 juillet 1804. Pendant près de 20 ans encore, jusqu'au 15 janvier 1823, il déploya tout son zèle à restaurer la foi dans sa paroisse. Il s'éteignit à 80 ans, avec, dit-on, la sérénité d'un saint. Son corps fut enterré dans le grand choeur, les pieds contre les marches de l'autel, à l'endroit où il avait dit si souvent : « Introibo ad altare Dei ! ».

 

 

Avant de quitter le sanctuaire de Bulat, sa Vierge et son spectre hurleur, allons admirer la belle fontaine située dans l’enclos.

 

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La fontaine de l’enclos paroissial

 

 

 

 

 

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La première des fontaines de Bulat est dans le cimetière ; elle est très vaste et fort belle ; on l'appelle la Fontaine des Nourrices.(S. Ropartz)

 

 

 

La fontaine est située à l’angle nord-ouest du placître à l’endroit où la pente commence à s’accentuer. Le bassin, important (longueur nord-sud : 7 mètres – largeur 5,5 m) est profondément creusé (2,50 m) et limité par des murs de soutènement qui ne dépassent que d’un mètre le niveau du sol.

Des escaliers en vis-à-vis permettent de descendre dans la fontaine. À l’est, la volée de l’escalier est droite et ses douze marches sont perpendiculaires au mur d’enceinte. À l’ouest l’escalier comporte deux volées à quartiers tournant à gauche.

À l’intérieur, le banc de pierre où s’asseyaient les pèlerins, court à la base des murs, sauf au nord où il s’interrompt au droit des départs d’escaliers sur les murs latéraux et au droit d’une niche dans l’axe du mur sud. La niche en plein cintre abrite une statue de la Vierge. Un bassin rectangulaire, sous cette niche, s’adosse au mur encadré par deux dalles dressées sur ses côtés. À l’avant un canal d’écoulement se prolonge dans l’axe sud-nord pour aboutir au second bassin creusé dans la partie nord. Le canal se poursuit en oblique jusqu’au conduit d’évacuation.

 

« Les pèlerins ont encore en vénération extraordinaire les trois fontaines de Notre-Dame de Bulat. Quand ils ont fait leur prière à l'église, et la procession autour du trône de la Vierge, tous visitent dévotement les fontaines. Après avoir bu de l'eau miraculeuse, les uns s'en lavent les pieds, les autres les mains, les yeux et tout le corps. Nul doute que la plupart ne s'en trouvent soulagés et consolés, puisque les mêmes pèlerins retournent périodiquement implorer de Notre-Dame de nouvelles faveurs. La première de ces fontaines, située dans le cimetière, porte le nom de Fontaine du lait, parce que, entre autres merveilles opérées par la vertu de son eau, elle donne du lait et des forces aux nourrices malades. La seconde se nomme Fontaine des Sept-Saints, à savoir : saint Pol, saint Cotentin, saint Paterne, saint Tugdual, saint Brieuc, saint Samson et saint Malo, tous évêques bretons et fondateurs de la foi dans les pays de Léon, Cornouailles, Tréguier, Saint-Brieuc... La troisième fontaine, dédiée aussi à Notre-Dame, jadis la plus monumentale de toutes, a été, au commencement du XIXe siècle, l'objet des plus déplorables mutilations. Le plus élégant des pinacles a été découronné, et les animaux, les fleurons, les crochets et tous les ornements qui décoraient cette figure pyramidale, ont été amoncelés, pêle-mêle, dans un piédestal de croix de bois, comme si un monument de bois ne pouvait jamais être le père d'un monument de pierre.»

(Abbé Daniel, Annales des Côtes-d’Armor 1864)

 

À la sortie du bourg de Bulat, dans le fossé de la route de Bulat-Plougonver, côté nord, non loin de la chapelle des sœurs, est située la fontaine des sept saints. Cette fontaine fut construite en 1683 par deux artisans du pays.

Le mur de fond est divisé en deux registres par une corniche moulurée de deux tores. Le registre inférieur est nu ; le registre supérieur est percé de sept niches en plein cintre identiques. À l'aplomb de chaque niche, à la base du mur, se trouvent sept petits bassins rectangulaires, de dimensions irrégulières, limités par des dalles enfouies ; la dalle antérieure est moins haute que les dalles latérales pour évacuer le trop plein d'eau qui rejoint le bassin principal. Chaque bassin pénètre sous le mur. Le mur Sud est percé de quatre grands logements rectangulaires de profondeur et dimensions irrégulières.

Les faces est et ouest sont fermées par deux murs, avec à leur base un banc formé de blocs de pierres à angle supérieur chanfreiné ; côté est le banc est interrompu pour laisser passage la rigole d’évacuation qui passe sous le mur.

Le fond du bassin est dallé.

 

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La fontaine des sept saints

 

Laissons Anatole Le Braz nous faire rêver avant de nous rendre à la fontaine du coq…

 

« Si vous voulez voir célébrer le culte des fontaines dans toute sa splendeur, allez au Pardon de Bulat. II a lieu dans la dernière quinzaine de septembre. Le train de Guingamp à Carhaix vous débarquera en pleine lande, parmi les brousses et les bruyères, à la solitaire station de Pont-Melvez.

Le propre de ces lignes de l'Argoat est, pour ainsi dire de ne passer nulle part, d'avoir l'air de ne rien desservir, et leurs gares font l'effet de maisons de bergers, perdues dans la steppe. Ne vous découragez point, toutefois. Devant vous s'acheminent, par les sentiers, de longues files de pèlerins : suivez-les ; elles convergent toutes vers Bulat, dont la haute flèche élégante, une des plus ajourées de Bretagne, surgit peu à peu, par delà des dos blonds de collines, dans l'estompe légère du matin.

La bourgade est chétive. Un pauvre village des monts, fait d’un presbytère, d’une école et de deux ou trois auberges. Le paysage, en revanche, est délicieux et l'église est admirable. Mérimée, si je ne me trompe, la visita au cours d'une de ses tournées d'inspection dans l'Ouest, et en reçut une impression très forte. L'ossuaire surtout le frappa, par la saisissante étrangeté des figures macabres qui le décorent. La mort y est représentée dans les attitudes les plus diverses, avec une fougue de ciseau vraiment tragique, et il y a telle contorsion de squelette hurleur que l'on n'oublie plus. Bulat n'aurait que son église que ce serait assez pour sa gloire ; mais elle ne serait probablement pas devenue la grande capitale religieuse de l'Arrée, si elle n'avait eu ses fontaines.

Elle est proprement la cité des fontaines. Nulle autre ne mériterait mieux le nom de Ker­feunteun décerné, jadis, par les vieux chefs de clan, à tant de localités bretonnes. De quelque côté qu'on y entre, on est salué par le clair chant des sources. Elles coulent limpides et intarissables, imprégnant l'atmosphère d'une exquise odeur de mousse humide, versant à toutes choses la vie et la fraîcheur.

Les montagnards d'alentour, les gens mêmes de la plaine et ceux de la mer, leur viennent demander, selon les cas, soit la force, soit la guérison ; les jeunes filles les consultent, pour connaître leur destin ; les jeunes femmes y laissent tomber une à une les épingles de leur corsage, afin que leurs entrailles soient fécondes et leurs mamelles gonflées d'un lait nourrissant.

Le Pardon de Bulat est, en réalité, leur fête. Les pompes de l'office à l'église ne sont qu'un accessoire ; la véritable cérémonie s'accomplit auprès des fontaines. Des vieilles vous tendent l'eau sainte, puisée dans une écuelle, et, moyennant une obole, vous enseignent les paroles qu'il faut dire, les rites qu'il faut pratiquer. Chaque source a ainsi son collège de prêtresses en haillons, aux traits ridés, aux lèvres marmottantes. Elles vous content, entre-temps, d'adorables histoires, car elles ont des façons ingénues de pontifier. J'ai passé, quant à moi, des heures charmantes en leur compagnie, assis sur la margelle monumentale de la fontaine des Sept-Saints.

— Autrefois, me disait l'une d'elles, avant la Révolution, pas un Breton n'eut manqué de faire le pèlerinage des sept évêchés, d'Aleth à Vannes, par Dol, Saint-Brieuc, Tréguier, Saint-Pol et Quimper-Corentin. D'aucuns le faisaient en corps de chemise, nu-tête et nu-pieds. Tous, au retour, se rendaient à Bulat. Ils trempaient leur visage et leurs mains dans chacun des sept bassins que voici et se relevaient dispos. Ces ondes ont en elles toute la vertu de la terre bretonne...

Sa vertu la plus secrète, en tout cas, et sa plus exquise fraîcheur. Tout ce que l'eau peut contenir de poésie et de mystère, tout ce qu'elle communique au paysage de grâce fluide et, pour ainsi dire, de jeunesse, c'est à Bulat, par une belle soirée de juin et de la fenêtre d'une misérable chambre d'auberge, que je l'ai le mieux senti. Dès que les bruits humains se furent apaisés, le chant des fontaines s'éleva, d'abord en un chuchotis léger, à peine perceptible, puis en un frémissement de notes longues, singulièrement cristallines et pures. Comme évoquée par cette incantation, une forme vaporeuse surgit de chaque source. L'haleine embaumée des prairies les poussa l'une vers l'autre. Je les vis nouer leurs mains diaphanes ; et, dans le vallon baigné de clarté palle, une ronde commença, — la ronde des antiques Naïades bretonnes, filles immortelles des eaux, de la solitude et de la nuit. »  (Anatole Le Braz –Au pays des pardons, 1894).

 

 

La fontaine du coq :

 

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La fontaine est située à la sortie du bourg, à proximité immédiate de la chapelle des Sœurs, en contrebas de la route. La fontaine comprend un enclos de plan rectangulaire irrégulier. La fontaine elle-même est adossée au mur Ouest ; une croix lui fait face sur le mur Est. À la base des murs court un banc de pierre, interrompu par les niches du mur Ouest et par les ouvertures de l'enclos. En avant-corps sur ce mur ouest sont percées deux arcatures jumelées, en plein cintre moulurées d'un cavet ; elles sont couvertes d'une toiture de pierre en bâtière. L'embrasure est droite ; le fond contient une niche en plein cintre légèrement creusée, dont l'encadrement est souligné par un tore ; chaque niche possède une console de plan semi-circulaire, à profil en quart-de-rond. Au droit de chaque arcature s’étendent deux petits bassins limités par d’épaisses dalles monolithes. L’écoulement se fait par l’Est, selon l’axe de la fontaine. L’appellation « Fontaine du Coq » proviendrait du fait que la croix d’origine devait être surmontée d’un coq rappelant le reniement de saint Pierre.

 

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Il est temps maintenant de suivre les liens vers les merveilleuses chapelles Saint-Blaise et Sainte-Anne Radenek

 

La chapelle Saint-Blaise

 

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La chapelle Sainte-Anne Radenek

 

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Reproduction interdite. Réalisation et crédit photographique : Alain Ménard (propriété de l’auteur, www.bretagne-sacree.fr © 2009). Aucune de ces images ne peut être utilisée, copiée, transférée, en tout ou en partie, sans le consentement écrit du photographe.

Sources :   Inventaire topographique de la commune de Bulat 1968  (DRAC Bretagne - Service régional de l'Inventaire).

                   Société française d’archéologie – Bulletins monumentaux

 Abbé Le Tirrand – Miettes d’Histoire et de Légendes

                   Brochure de l’association « Kleier Bulad ».

Remerciements : à Monsieur Louis Cojean  pour son savoir et le temps qu’il a bien voulu me consacrer.

 à  Monsieur le Maire de Bulat-Pestivien pour avoir mis à ma disposition la Vierge d’argent afin de la photographier.